« In Between » se situe à la croisée du « Jardin des retours » et « Les états », où le paysage naturel des installations se confond avec le paysage culturel actuel. L’espace animal y est alors convoqué.
On y retrouve l’installation « Avec le temps », qui nous invite à protéger notre patrimoine naturel et culturel, afin de préserver certaines pratiques, certaines espèces qui ne résisteraient pas.
« L’envol » représente les champs du possible, là où tout peut arriver.
« In Between » est un espace réflectif qui incarne notre désir individuel et collectif d’avancer, il incarne aussi notre quête d’équilibre dans un monde instable, en mouvement. L’ensemble de ces dispositifs traduit aussi une forme d’impuissance, une grande fragilité face à nos sociétés en pleine mutation.
Watching! Visible, invisible…
Lances, harpons et bouclier. Ce projet est né à Arniberg, en Suisse Alémanique, où j’ai vécu avec ma famille la période de confinement, sur le haut de la colline, entre fermes, vaches et forêts! Nous sommes alors accueillis chez un ami dont la maman fut Ethnologue, en son temps. Elle réalisa une étude sur les rites et coutumes d’une tribu, dont le village est situé sur les Monts Mandara, au Cameroun. Le décor est planté, je me retrouve au petit matin d’un premier jour de confinement, face à des lances, harpons et bouclier en provenance d’Afrique, au beau milieu des vaches suisses! Je suis déracinée, un temps soit peu paralysée, déroutée …
La présence de ces objets en ce lieu déjà particulier, m’intrigue et me fascine. Habituellement vus dans les musées, ces objets de chasse et de défense sont d’une étonnante simplicité. Ils sont puissants, d’une beauté cruelle et totalement inadaptés au virus qu’il nous faut combattre!
Je me sens, comme tous, extrêmement vulnérable, déracinée certes, inquiète aussi! Le confinement m’apparaît alors comme une condition imposée presque primitive: l’enfermement comme seule rempart ou bouclier, si j’ose dire, au virus! Et cela, au 21 ème siècle, impensable hier, surréaliste aujourd’hui… c’est le choc!
Nue, désarmée face à l’ennemi invisible, plus dangereux et pernicieux que l’animal qui rôde la nuit autour de notre habitat: Watching, être aux aguets, dans cette brume qui nous enveloppe au lever du jour, alors que nous sommes à 1000 m d’altitude, sans savoir si l’ennemi est là. Ces objets façonnés pour tuer, mais aussi pour se défendre, se protéger d’une attaque éventuelle, résonnent et font écho à situation que nous vivons ici à Arniberg. Faudra-t-il apprendre à devenir le chasseur-cueilleur d’antan?!
Munie de ma lance, je ne donne pas cher de ma peau face à l’animal de la forêt. Pire encore, je ne sais pas reconnaître les plantes et fleurs comestibles! Watching …visible, invisible est un travail qui traduit un sentiment d’impuissance très fort, une réaction à vif face à cette nouvelle donne.
Ces armes en terre cuite sont inutilisables face à la menace qui pèse. Inoffensives et fragiles, elles nous renvoient à notre extrême vulnérabilité, à l’étrangeté de la situation à laquelle nous devons faire face. Elles nous renvoient à un état primaire presque primitif très éloigné de nos vies contemporaines et pourtant presque proche en ce temps de pandémie. Elles nous disent notre impuissance face aux éléments de la nature qui se manifestent et nous appellent à une réflexion salutaire sur l’état de notre terre, sur les effets du dérèglement climatique et de la surproduction, à l’échelle mondiale.
Un monde sur pattes
Un monde sur pattes – les pieds dans l’eau symbolise ce que nous sommes individuellement et collectivement face au monde en grande mutation. Conçu comme un espace réflectif, ces petites pattes incarnent notre désir d’avancer et notre quête d’équilibre dans un monde instable, en mouvement.
Comme plantées dans un ensemble de flaques répandues au sol, les petites formes de pieds traduisent un sentiment d’impuissance face à nos sociétés à grande vitesse, aux enjeux climatiques et l’épuisement des ressources naturelles.Il y a pourtant quelque chose de charmant dans ces petites formes en terre cuite et ces flaques en porcelaine émaillées. Quelque chose qui appartient à l’enfance, au jeu, à l’univers des marionnettes!
On pourrait presque y voir le pied que Geppetto a taillé dans le bois, pour son Pinocchio, dans le conte de Carlo Collodi.
L’envol
« L’envol » est un dessin mural représentant une nuée d’oiseaux. L’énergie visuelle qui s‘en dégage est chaotique. C’est pourtant l’idée d’un paysage ouvert sur l’infini, ou tout est possible, la chute aussi! Ce dispositive nous interroge sur des systèmes d’organisations aléatoires. En effet, les oiseaux préalablement dessinés par mes soins sont rentrés dans un programme informatique, se multiplient et s’organisent sur l’écran/ le papier de manière aléatoire; viennent s’ajouter manuellement les oiseaux en porcelaine noire.
« L’envol » représente les champs du possible, là où tout peut arriver.
Avec le temps
L’installation Carapaces de tortues est pensée comme un espace poétique et réflectif sur certaines de nos valeurs contemporaines et notre rapport au temps. Elle fait « éloge de la lenteur », elle incite à marquer un temps d’arrêt…
Dans la tradition Feng Shui, la tortue est un des principaux symboles de longévité, mais également symbole de protection, de soutien, de richesse et de prospérité. La tradition chinoise dit que la tortue cache dans son corps et dans les motifs de sa carapace tous les secrets du ciel et de la terre ! Prix Nobel de la longévité, plus que centenaire, cet animal se déplace avec élégance et amplitude, semblant aller à contre-courant de notre monde « à grande vitesse ». Reine des eaux, elle est inoffensive et vulnérable sur terre. Présente sur terre depuis des millions d’années, elle est aujourd’hui menacée de disparition, bien que protégée depuis 1976 par la convention de Washington interdisant le commerce de certaines espèces. Mais l’une des plus grandes menaces pour la plupart des tortues habitant les océans vient des « filets fantômes » abandonnés ou perdus par les pêcheurs…
Dans cette installation, la texture et la couleur du biscuit de porcelaine sont messagères des valeurs de préciosité et de fragilité liées à cette espèce en voie de disparition, et permettent d’ouvrir un espace de lecture sur la symbolique de l’objet : sagesse face à l’hérésie de la vitesse, fragilité de l’écosystème, rapport au temps… Le choix de l’alumine – comme équivalence du sable blanc sur lequel s’inscrivent les traces du passage des tortues – fait référence à la disparition inquiétante des coraux souffrant du réchauffement climatique et de la pollution, qui blanchissent, cassent et deviennent poussière.
« Avec le temps », Musée des Arts Décoratifs, Paris, carapaces de tortues en porcelaine, alumine, 2010
« Avec le temps », Galerie Collection, Paris, carapaces de tortues en porcelaine, alumine, 2011